Théophraste de Pissefroid ne résiste pas à l'envie de vous narrer
l'aventure plus que rocambolesque qu'il lui est arrivé l'année dernière
au mois de février 2008, dans son précédent logement ... Ames sensibles
s'abstenir !!!
1 – La rencontre
Il est 7 heures du matin … A l’heure où tout bon noble est encore
prisonnier des bras de Morphée, ou est en train de se coucher,
Théophraste de Pissefroid s’ébroue dans le grognement caractéristique
de l’ursidé désespéré de devoir échapper aux bienfaits du repos du
guerrier. Non sans mal, il se dresse dans sa couche, rejette avec
désespoir la chaude couette et se dresse sur ses pattes arrière. Les
escaliers le menant vers le lieu de sustentation matinale lui semblent
bien abrupts, mais il se doit de les affronter, vaillamment, comme tous
les obstacles qui ne manqueront pas de se dresser sur son cheminement
quotidien. En prenant bien soin de viser les marches, il descend
l’escalier.
Le breuvage caféiné matinal lui est agréable aux babines et aux
papilles. Théophraste de Pissefroid commence à se sentir ragaillardi et
se dit que finalement, la journée risque de ne pas être si mauvaise que
cela.
C’est alors, que soudain (sans qu’il ne soit besoin de chercher la
moindre notion de soudaineté dans les propos qui vont suivre), sa
tuyauterie personnelle et intérieure le rappelle à la dure réalité de
l’aube naissante. Il est l’heure d’aller se délester des quelques
centaines de grammes de nourriture digérée des jours précédents.
Ayant bien pris soin de se munir de son « Gala », Théophraste de
Pissefroids’avance, nonchalamment, affublé de son slip en poils de
Chabal, vers les lieux d’aisance, inconscient du drame qui va se jouer
dans quelques minutes … La censure présinaine m’interdisant ici de
narrer les événements intestinaux qui se jouent, nous passons
directement à la suite des aventures de Théophraste de Pissefroid.
Alors qu’il est en train de finir l’article consacré au 4° piercing
clitoridien de Britney Spears, ses intestins lui signalent la fin de
l’expulsion. Benoîtement, Théophraste de Pissefroid s’empare du rouleau
de papier situé sur la petite étagère à sa droite, en retire quelques
feuilles, les plie soigneusement dans un geste travaillé depuis plus de
30 ans, et nettoie scrupuleusement l’obscur orifice expulseur. Une fois
cette tâche accomplie, Théophraste de Pissefroid appuie sur le bouton
évacuateur de matière. C’est alors qu’entre en scène, précipitamment,
le second protagoniste de cette formidable épopée : Sany …
Sany est l’ami du matin, celui qui est chargé, à grand renfort de
moteur électrique et d’hélice broyeuse, de transformer en purée l’étron
matinal. Sany effectue le premier broyage, mâchant âprement la matière.
Mais à la deuxième tentative, Sany, pris d’un spasme mécanique
intérieur, se bloque.
C’est avec horreur que Théophraste de Pissefroid voit la cuvette
d’ivoire se remplir d’un liquide trouble, refoulé des entrailles de
Sany ! ! !
« Non, Sany ! ! ! Pas ça ! ! ! Tu te dois de digérer, non de régurgiter
! ! ! ». Mais rien n’y fait, Sany refuse obstinément de se plier aux
imprécations de notre héros. Heureusement, Sany cesse son manège … Mais
le résultat est là … La blanche cuvette, fée matinale, s’est
transformée en noire sorcière des matins embrumés.
Théophraste de Pissefroid contemple les dégâts, dépité … Il le sait, il
va falloir opérer Sany, sans anesthésie, là, tout de suite, sinon
l’occlusion risque de se prolonger …
C’est alors qu’il se rappelle, dans un élan de lucidité, que le plombier doit passer ce matin même, pour d’autres tâches ! ! !
Théophraste de Pissefroid sait déjà qu’il va demander au professionnel du tuyau d’ausculter Sany et de l’opérer …
Soulagé de savoir que l’opération va être confiée à un professionnel
(et des quelques hectogrammes de déchets quotidiens), Théophraste de
Pissefroid attend, impatient, l’arrivée de son sauveur …
2 – L’opération à ventre ouvert
Il est 8h40 quand le carillon électronique de la porte d’entrée fait
entendre sa douce voix … Théophraste de Pissefroid se dirige vers
l’interphone :
- Oui, bonjour, à qui ai-je l’honneur ?
- Salut Biloute, c’est l’plombard ! ! ! Tu m’ouvres ou t’as besoin d’un faire part ? ? ?
- Je vous ouvre, docteur, je descends …
- Merci tisaut’ ! ! !
Le réparateur ès tuyauterie pénètre chez Théophraste de Pissefroid (et
pas dans Théophraste de Pissefroid …), affublé d’un apprenti. Le couple
est dépareillé : le « chef », de petite taille, le visage marqué par
des années de rencontre avec des tuyaux de toutes sortes, buriné par
les effluves rencontrées, semble flotter dans un pantalon et une
chemise visiblement trop grands pour lui. L’arpette, quant à lui, est
un grand échalas légèrement en surpoids qui semble se demander ce qu’il
fait là.
Sans leur laisser le temps de se gratter les gonades, Théophraste de
Pissefroid informe le plombier et sa suite de sa mésaventure matinale,
en prenant soin d’utiliser des mots choisis :
- Docteur, je dois vous informer qu’outre les menues réparations que
vous êtes venu faire, il en est une d’importance. Sany est malade …
- Qui ça ? ? ?
- Sany … Ce matin, il a visiblement fait une occlusion.
- Ben faut app’ler le docteur biloute. J’suis pas spécialiste en nasproimpérologie ! ! ! T’y as filé des laxateurs ? ? ?
- Docteur, Sany n’est pas comme nous, fait de chair et de muscle (ndlr
: en ce qui me concerne, surtout de muscle). Sany est mon ami
électrique du matin chargé de digérer les mat …
- P****N DE B****L DE M***E ! ! ! TU VAS PAS ME DIRE QUE T’AS NIQUE LE
SANIBROYEUR BILOUTE ? ? ? PARCE-QUE J’AI PAS DU TOUT ENVIE DE METTRE
LES POGNES DANS LA FIENTE CE MATIN ! ! !
- Je suis désolé docteur, mais je crois qu’il va falloir que vous passiez outre vos a priori et procédiez à cette opération …
- E****E DE M*S C******S DE SANIBROYEUR ! ! ! MACHIN (c’est ainsi qu’il
hèle l’apprenti), VA ME CHERCHER LA BASSINE, DES TORCHONS, DES
SERPILLERES, ON A UNE GROSSE OPERATION QUI NOUS ATTEND …
L’échalas, devenu verdâtre à la simple évocation de la tâche qui va
s’imposer à lui, s’exécute, alors que Théophraste de Pissefroid dirige
le gastroentérologue vers l’objet du délit. A ce moment précis du
récit, j’informe le lecteur que je ne ferai plus allusion (ou
rarement), aux propos du médecin plombier, tant ceux-ci pourraient
choquer le lecteur sensible. Je me contenterai donc de narrer les
événements avec le plus de recul et d’objectivité possible.
Le jeune assistant du docteur remonte vers les lieux d’aisance, équipé
de l‘équipement chirurgical dont il était chargé de rassembler les
éléments.
Le médecin est déjà accroupi et a commencé a désosser Sany, sans
l’anesthésier. Sany, conscient de son état, n’offre pas de résistance.
L’assistant étale le champ opératoire au moment même où l’homme de
science termine la première phase de l’opération, l’ouverture … Sany,
dans un râle, laisse alors échapper de ses entrailles mécaniques le
fruit du dépôt gastrique de votre noblissime narrateur. C’est alors que
l’apprenti, qui passait à ce moment-là à son 19° ton de vert, décidait
de courir vers l’extérieur afin de contenir (ou d’expulser, l’histoire
ne le dit pas …) le contenu don son petit-déjeuner.
Le médecin, quant à lui, est dévoué à sa tâche. Furibard, vitupérant et
maugréant contre ce malheureux Sany, il finit sa vidange sans un seul
haut-le-cœur … Quel courage, quelle abnégation dans l’adversité. Il est
superbe, suant et torse en avant, les genoux dans la fange, les mains
protégées et continuant, sans relâche, son obscure besogne … L’apprenti
est porté disparu dans la lueur naissante de ce jour pas comme les
autres …
Sany, bien qu’ouvert en deux, est visiblement soulagé … Aux yeux des
protagonistes, de nombreux organes se sont étalés dans le champ
opératoire. Après un nettoyage en bonne et due forme, il est temps de
tout remettre en place et de suturer Sany. Le docteur s’acquitte de
cette tâche rapidement et remet Sany dans son coin douillet, derrière
la cuvette d’ivoire. Il est temps de tester Sany et de vérifier son bon
fonctionnement. Le gastroentérologue appuie sur le bouton évacuateur de
la chasse d’eau … Sany grogne, se lance, et absorbe sans rechigner le
liquide le liquide. Mais au moment de vidanger, c’est le drame ! ! ! Un
point a sauté ! ! ! A la jonction de son urétère expulsateur, Sany
laisse sourdre dans un geyser cataclysmique un fontaine d’eau qui
montre à quel point la suture a lâché. Rompu aux gestes d’urgence, le
docteur coupe l’arrivée d’eau, débranche Sany et stoppe l’aquarragie
(ndlr : une aquarragie est un hémorragie d’eau).
Il re-démonte Sany, refait la susdite suture, remet Sany à sa place et
relance la vidange. Cette fois-ci, Sany est guéri. Aucune trace de
fuite de pointe le bout de son nez. Le docteur est satisfait :
- Ben dis don Biloute, nous aura bien fait chier (c’est le mot), ton
p****n de broyeur de m***e ! ! ! Mais on l’a eu hein tisaut’ ? ? ?
Théophraste de Pissefroid est soulagé et regarde son sauveur d’un œil
bienveillant et protecteur. Le médecin, après avoir ramassé ses outils
opératoires et son apprenti, quitte la grotte ursidéenne, l’uniforme
souillé, la sueur au front et aux aisselles, mais avec sur le visage
cette expression du devoir accompli et la fierté de la victoire. Il
part, dans ce jour magnifique, remonte dans sont fier carrosse de
marque Citroën et file, joyeusement, vers de nouvelles aventures …
Chapitre 3 – Epilogue
Ce matin, Théophraste de Pissefroid a fait caca … Sany va bien …